CAMILLE LÉVÊQUE
ABOUT / A PROPOS
CV


    WORKS / TRAVAUX

  1. TSAVT TANEM

  2. SUMMIT MEETING

  3. WE ARE OUR MOUNTAINS

  4. UNIVERSAL TRUTH

  5. FAMILIAR GESTURES

     

    IN SEARCH OF THE FATHER

  1. CHAPTER I_DADS

  2. CHAPTER II_THE FATHER FIGURE

  3. CHAPTER III_DADDY ISSUES

  4. CHAPTER IV_THE LAST LEVEQUE

  5. BOOK DUMMY ︎


Visual artist working on identity, memory and family mythology
© 2024 Camille Lévêque. All rights reserved.


LIVE WILD

1.

TSAVT TANEM                       _2019/Ongoing

If you take away our pain, what is left of us?

[Version Française en bas de page]


The generation of Armenians to which I belong—born in France, grandchildren of survivors of the 1915 genocide—has established two extreme poles based on its heritage: adoration and rejection. Though opposites, these two reactions are similarly passionate and inspired by fantasy and pain. Belonging to the Armenian diaspora means carrying the weight of the past, made heavier by the Turkish government’s failure to recognize the Armenian genocide. This prevents the whole community from mourning and turning the page.

In the course of my trips between Armenia and France, and during my conversations, I have noticed fears that recur, frustrations or desires that are common among the young people with whom I have spoken and begun to share my questions:

How do we represent our individual and collective identity?

If Turkey could bring itself to recognize the 1915 genocide, would that drastically change our relationship with our history and memory? Is the notion of trauma hereditary?

With the resumption of war in September 2020, can we envisage a future without historical recurrence and imagine our identity without fear of persecution?

How much fantasy and fiction is there in stories recounted from generation to generation and distorted over time, and how does one break out of the self-representations with which our community shackles us? And beyond the Armenia-Turkey case, does this research echo other recent or old diasporas on the European continent, which include many individuals from a wide variety of backgrounds? How can one’s own story be connected with other stories? How can they be inter-recounted to create a common, communicable work in which others could recognize themselves?

Taking as a point of departure the genealogical tree as crumbly map, my aim is to reinvent family history in a speculative narrative. The notion of individual mythology makes it possible to articulate this new kind of album, which has a fluid form.

Through the prism of the maternal link, which makes possible the journey from these origins into my family history, I examine the epigenetic imagination in the transmission of trauma, and seek to establish or dismiss constants in cultural transmission patterns within the family. Whether casual reductionism, or real intergenerational traumatic marking, I question genealogical transmission, taking a distinctly sociological approach in my way of angling my research, and in the form my works assume.

Wishing to develop a practice I have already initiated, revolving around memory representation, the diaspora, and the transmission of these stories, I am presenting this protean research into the notion of identity (or identities) for immigrant descendants.

Using archives, studio photography, and the reconstruction of friends’ stories, I seek to free myself from the traditional documentary use of photography. Instead of capturing truth, I view the use of photography as the construction of personal narratives made of evocative images. Emphasizing eyes (or their absence), I place vision, perception and perspective at the center my story. Closed, they reveal another point of view on the shared story, now made up of reminiscences and fantasy.

Reality always being more complex than its representation, here I sketch the beginnings of an approximate scenery, made up of memories and dreams, in which experiences other than my own confront each other, contradicting or reaffirming each other, and attempt to understand whether it is our history that defines us, or we who define it.

Going back and forth between past and present, reality and fiction, I strive to represent the plural identity of children of the diaspora, who carry within themselves a memory made up of constantly negotiated images.

Tsavt Tanem’ is a popular expression in Armenia that literally translates as “I take away your pain”. It is commonly used in various contexts to indicate understanding or empathy.




































La génération d’Arméniens dont je fais partie, née en France, petits-enfants des survivants du génocide de 1915, s’est construite en deux pôles extrêmes autour de son héritage: l’adoration et le rejet. Bien qu’aux opposés, ces deux réactions sont pareillement passionnelles et nourries par le fantasme et la douleur. Faire partie de la diaspora arménienne signifie porter un poids inimaginable, exacerbé par l’absence de reconnaissance du Génocide arménien par le gouvernement Turc, ce qui empêche une communauté entière de faire son deuil et tourner la page.

Au fil de mes aller-retours entre l’Arménie et la France et de mes conversations, j’ai discerné des angoisses récurrentes, des frustrations ou des envies, qui étaient communes aux jeunes avec qui je m’entretenais et ai commencé à partager mes questionnements:

Comment représenter notre identité, individuelle et collective?

Si la Turquie venait à reconnaitre le génocide de 1915, cela changerait-il drastiquement notre relation à notre histoire et notre mémoire? La notion de trauma est-elle héréditaire?

Avec la reprise de la guerre en septembre 2020, peut-on envisager un futur sans récurrence historique et envisager notre identité sans crainte de persécutions?
Quelle est la part de fantasme et de fiction dans les histoires racontées de générations en générations et distordues par le fil du temps et comment sortir du carcan des représentations de soi que notre communauté nous impose? Et au-delà du cas arméno-turc, cette recherche fait-elle écho à d’autres diasporas récentes ou anciennes sur le continent européen, qui touchent de nombreux individus d’origines très diverses : comment articuler son histoire avec d’autres histoires, s’entre-raconter pour faire œuvre commune, communicable et dans laquelle d’autres pourraient se reconnaître?

M’appropriant des fragments d’histoires, je m’essaie à rendre visible les strates historiques, les échanges intergénérationnels et les changements de décors liés à la migration, comme pour établir une impossible archéologie de l’identité.

Avec comme point de départ l’arbre généalogique comme cartographie friable je cherche à réinventer l’histoire familiale dans une narration spéculative. La notion de mythologie individuelle permet d’articuler cet album d’un nouveau genre à la forme mouvante.

Par le prisme du lien maternel qui permet le voyage de ces origines dans mon histoire familiale, je questionne l’imaginaire épigénétique dans la transmission du trauma et cherche à établir ou écarter des constantes dans les schémas de transmissions culturelles au sein de la famille. Réductionnisme causal, ou marquage traumatique intergénérationnel réel, je questionne la transmission généalogique avec un axe sociologique prononcé dans la façon d’angler mes recherches, puis la forme que prennent mes travaux.

Dans une volonté de développer une pratique déjà bien amorcée autour de la représentation de la mémoire, de la diaspora et la transmission de ses histoires, je présente ce travail multimédia de recherche autour de la notion d’identité(s) pour les descendants d’immigrants.
Ces notions loin d’être figées sont en construction et déconstruction permanentes, et questionnent la manière même dont nous choisissons de nous représenter et de donner forme aux choix que nous faisons pour nous inscrire dans la continuité de notre histoire, ou au contraire faire une rupture avec son passé.

Par l’usage d’archive, la photographie de studio, et la recomposition des récits d’amis, je cherche à m’émanciper de l’usage traditionnellement documentaire de la photographie.
A l’inverse de figer la vérité, j’envisage l’utilisation de la photographie comme une construction de narration personnelle, faite d’images évocatrices. Mettant en exergue les yeux - ou leur absence- je mets la vision, la perception et le regard à la place centrale de mon récit. Fermés, ils révèlent un autre point de vue sur le récit partagé, maintenant fait de réminiscence et de fantasme.

La réalité étant toujours plus complexe que sa représentation, je dessine ici les prémices d’un décor approximatif, fait de souvenirs et de rêves, dans lequel des expériences autres que la mienne viendront se confronter, se contredire ou conforter, et tenter de comprendre si nous sommes définis par notre histoire ou si nous la définissons.

Dans un aller-retour entre passé et présent mais aussi entre réalité et fiction, j’aspire à représenter l’identité plurielle des enfants de la diaspora, qui portent en eux une mémoire faite d’images en négociation permanente.

Tsavt Tanem’ est un dicton répandu en Arménie dont la traduction littéral est ‘Je prends ta douleur’, il est employé de façon courante lors de divers échanges pour signifier sa compréhension ou son empathie
Mark